Soudan du Sud: les témoignages de femmes réfugiées dans le camp de Gorom [3/3]
Plus de 10 000 réfugiés soudanais sont arrivés au camp de Gorom, près de Juba, la capitale du Soudan du Sud, depuis le début de la guerre au Soudan le 15 avril 2023. Un conflit qui semble loin de se terminer, notamment dans la région du Darfour, où les Forces de soutien rapides du général Hemedti sont accusées de commettre un génocide. Des femmes du Darfour réfugiées à Gorom se sont livrées à RFI sur leurs inquiétudes suite aux violences qui ont éclaté contre les Soudanais mi-janvier, après que des Sud-Soudanais ont été massacrés par l’armée soudanaise à Wad Madani.
De notre correspondante à Juba,
Coiffée d’un foulard rose pâle, Amira Adam Bashar, 20 ans, a fui l’enfer d’El Fasher, cette ville située au Darfour nord, assiégée par les paramilitaires FSR. Elle est arrivée à Juba une semaine seulement avant qu’éclatent les violences visant les Soudanais mi-janvier : « La police nous a protégés, puis nous avons été amenés ici à Gorom. Nous sommes enregistrés comme réfugiés urbains, donc nous ne recevons aucune aide. Nous n’avons presque rien à manger ni à boire, et mon frère qui vendait du charbon pour nous soutenir a été blessé dans les violences, maintenant, il ne peut plus travailler. Nous avons besoin d’aide. »
L'histoire de Nuha Abdallah Mohammed, 34 ans, est tout aussi terrible. La mère de deux enfants a fui les attaques des FSR à El Geneina, au Darfour ouest, et rejoint son mari établi à Juba comme commerçant. Mais leur magasin a été complètement pillé lors des émeutes contre les Soudanais. La famille s’est réfugiée à Gorom, et a été à nouveau terrifiée par les combats entre forces sud-soudanaises qui ont eu lieu près du camp récemment : « J’aimerais pouvoir quitter le Soudan du Sud, mais je n’en ai pas la capacité. Car c’est insupportable de fuir une guerre, de venir à pied d’un pays à l’autre, pour ensuite se retrouver à vivre encore la même chose. À entendre à nouveau les mêmes sons de tirs et de bombes. Nous ressentons beaucoup de peur et d’insécurité. »
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« Nous voulons vivre en sécurité, c’est tout. »
Originaire de Nyala, dans le Darfour sud, Azza Haroun Nurein, 40 ans, a la lourde charge de s’occuper de sa fille Ikram, 16 ans, qui a perdu une jambe dans le conflit soudanais : « Avant le début de la guerre, nous vivions bien à Nyala. Quand le conflit a débuté, nous sommes restés enfermés chez nous. Mais un jour, une bombe est tombée sur la maison, tuant ma fille et mon neveu. Et Ikram a quant à elle été grièvement blessée. »
La famille a fui en août 2023 et c’est à Juba qu’Ikram a été amputée de sa jambe gauche. L’adolescente garde de lourdes séquelles et a des cicatrices et des éclats d’obus un peu partout sous la peau. Elle ne peut être scolarisée : « Je ne peux pas aller à l’école parce que je ne peux pas marcher, même avec des béquilles. Donc, je reste tout le temps dans notre abri. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut que la guerre s’arrête au Soudan et au Soudan du Sud. Et il faut penser à ceux qui ne peuvent pas fuir quand il y a du danger, comme moi qui ai perdu ma jambe, je ne peux aller nulle part. Nous voulons vivre en sécurité, c’est tout. »
Cette semaine, Ikram a rendez-vous au centre de réhabilitation physique du Comité international de la Croix-Rouge à Juba, où elle espère apprendre à marcher à nouveau à l’aide d’une prothèse.
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