Dans sa stratégie nationale de développement pour la décennie 2020-2030, le Cameroun se donne pour ambition de devenir « le nourricier de l'Afrique centrale et du Nigéria ». Parmi sept plans présentés comme prioritaires dans l'agro-industrie : le sucre. Avec un objectif de production de 500 000 tonnes annuelles pour répondre à la demande intérieure et exporter du sucre camerounais.
Aujourd'hui, pourtant, les Camerounais consomment principalement du sucre brésilien ou chinois. L'objectif que s'est fixé le Cameroun est loin d'être atteint. Selon ses propres chiffres, la Sosucam, en 2024, n'a produit que 86 000 tonnes de sucre. La Société sucrière du Cameroun exploite 25 000 hectares de plantations à Mbandjock, Nkoteng et Lembe-Yezoum dans le département de la Haute-Sanaga. Elle est en situation de quasi-monopole sur le marché intérieur, mais ses objectifs affichés ne sont pas les mêmes que ceux de l'État camerounais.
L'entreprise sexagénaire créée en 1965 est détenue majoritairement par le groupe français Somdia, groupe de la famille Vilgrain appartenant lui-même à la multinationale Castel. En 2023, Somdia annonçait un plan de restructuration « intégral » destiné à atteindre une capacité de production de 130 000 tonnes de sucre à l'horizon 2027. Soit seulement un quart du volume annoncé par l'État camerounais dans sa stratégie nationale
Pour produire plus, selon les experts, il faudrait investir : moderniser l'outil de production, exploiter plus de terres et, pourquoi pas, faire entrer des capitaux étrangers. Ce ne sont ni la disponibilité des terres ni le coût de la main d'œuvre, très faible, qui posent problème. Mais rien n'incite à l'heure actuelle la Sosucam à prendre plus de risques en injectant davantage de ressources.
Sa position de quasi-monopole, notamment, ne l'y encourage pas. Aujourd'hui, la demande nationale tourne autour de 300 000 tonnes annuelles, englobant la consommation des ménages, celles des petites structures alimentaires et celle de l'industrie brassicole. Sans réponse locale suffisante, le Cameroun importe, comme pour tous les autres produits de consommation que le pays pourrait produire sur son territoire et sa balance commerciale est déficitaire. Selon l'Institut national de la statistique, en 2023, ce déficit a franchi le seuil symbolique et historique des 2000 milliards de FCFA.
En plus de ses difficultés structurelles, la Sosucam – au chiffre d'affaires 2024 de 54 milliards de francs CFA – a été confrontée au moins de février à un mouvement de protestation de quelque 5 000 travailleurs saisonniers, dénonçant leurs conditions de travail et de rémunération.
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